• A terre.

    Le ciel s’assombrissait à mesure que j’approchais du manoir. C’est ici que devait avoir lieu la réunion qui déciderait de mon avenir au sein de l’entreprise de mon père. Cette réunion était vitale pour mon entrée dans la haute société. Il avait été décidé à ma naissance que, seul garçon de la famille, j’en serais l’unique héritier. Mon père avait placé tous ses espoirs en moi, il ne fallait pas le décevoir.

    Je remarquais à travers la fenêtre de la voiture les marchands et les étals, les vieilles maisons et la poussière. Pour se rendre au manoir, il fallait traverser les quartiers pauvres de la ville. Ayant été élevé dans la haute bourgeoisie, j'ai nourri une haine et un dégoût profond envers ces petites gens qui ne connaîtront sans doute jamais le confort et le bonheur d'un âtre chaud en hiver. Mais tout cela ne me concernait pas même si quelque part j'enviais ces misérables personnes. Je me suis toujours servi du pouvoir de mon père pour me faire une place dans la société et je ne regrette rien. Mais quelque fois, j'aurais aimé naître dans ces bas-fonds et ne pouvoir compter que sur moi-même.

    Soudain, un choc me fit sortir de mes pensées. Je passai la tête par la fenêtre et vis une foule de gens se ruer sur la voiture. Je fis signe au cocher d'accélérer mais celui-ci avait déjà été tiré à terre et roué de coups. Il fallait que je sorte d'ici au plus vite. Je pris la bourse attachée à ma ceinture et la lançai dans la direction opposée. Tous les manifestants se ruèrent sur elle et je pus quitter le carrosse sans aucun souci.

    J'allais et venais dans des ruelles inconnues lorsque je passais dans une rue au nom familier. Mon père avait des contacts aussi bien dans la haute société que dans les quartiers pauvres. Dans cette ruelle, habitait un marchand d'opium qui fournissait à mon père des informations sur ces concurrents. J'aperçus l'enseigne et je m'engageai dans la ruelle sombre quand je fus heurté par une masse noire. Je reculai de quelques pas sous l'effet du choc. Je repris mes esprit au bout de quelques secondes et découvris que ce qui m'avait heurté était une jeune fille d'une vingtaine d'années tout au plus. Elle était au sol ; après cette bousculade, il était normal qu'une jeune femme aussi frêle se soit retrouvée à terre. Je la dévisageais.

    Elle portait une grande cape poussiéreuse par-dessus une robe qui lui arrivait au-dessus du genou. Cette tenue indécente et d'une telle pauvreté ne pouvait être associée qu'aux prostituées du quartier. Ces long cheveux roux ne pouvaient qu'apporter malheur et désolation. Père avait raison et dieu sait s’il avait raison surtout en disant que ces filles- là étaient les poupées du diable. J'allais la contourner quand elle m'agrippa la jambe. D'une voix faible et tremblante, elle me demanda de l'aide.

    Sa main agrippant mon pantalon était noire de poussière et tremblait comme une feuille. Je retirai mon pied d’un coup sec.

    Ne me fais pas perdre mon temps ! “ Lui dis-je.

    Je repris ma route en direction du magasin. Je ressentais une étrange sensation là où elle m’avait agrippé. Comment une traînée telle que cette fille osait-elle demander de l’aide à un noble ? Elle devrait rester là où est sa place.

     Grâce au vendeur d’opium, j’ai pu rejoindre sans encombre le manoir où avait lieu la cérémonie. Je n’avais pas parlé à Père de ma rencontre avec cette jeune fille. Il avait déjà pas mal de problèmes avec le domaine. Cependant, durant toute la cérémonie, le visage de cette prostituée hantait mon esprit. Elle m’avait paru sale mais quelque chose dans son regard m’attirait.

    Quelques jours plus tard, je revins sur les lieux de la rencontre mais j’avais très peu d’espoir de la revoir. D’ailleurs je ne voulais pas spécialement la revoir, j’étais juste intrigué par ce personnage.

    Ne voulant pas me faire remarquer, je marchais d’un pas décidé dans la direction où elle était apparue la dernière fois. Je m’enfonçais dans les ruelles où, à chaque croisement, on pouvait apercevoir de riches hommes se faire entraîner dans des maisons par des filles à moitié nues. Tout cela me répugnait mais je continuais ma route. Au bout de quelques heures, je m’arrêtais contre un mur. Mes pieds, serrés dans mes chaussures étroites, me faisaient mal. Je ne comprenais pas comment l’on pouvait marcher dans la rue sans aucun tissu pour se protéger les pieds.

    Soudain, j’entendis du bruit venant du bout de la rue. Je m’approchais discrètement lorsque je reconnus la chevelure de la jeune fille rencontrée quelques jours auparavant. Elle avait apparemment quelques problèmes avec des clients. Je m’apprêtais à intervenir quand je me rendis compte de ma propre action. Pourquoi irais-je aider une fille à laquelle j’avais refusé de venir en aide, il y a à peine une semaine. Mais pendant ma réflexion, la dispute commençait à dégénérer. Je laissai alors tomber ma fierté et marchai en direction du groupe de jeunes gens. Je pris violemment la jeune fille par le bras et l'emmenai de force avec moi. Sans trop comprendre ce qui se passait, je sortis des ruelles sombres et appelai un fiacre. Je la fis monter et je fis signe au cocher d'avancer. Je ne lui avais donné aucune direction particulière à prendre et il zigzaguait entre les personnes qui essayaient de se frayer un passage comme elles le pouvaient.

    Durant tout le trajet, nous n'avons soufflé mot. Lorsque que nous nous trouvâmes assez loin de la ville, le cocher arrêta le fiacre. Je fis descendre la jeune fille et l’entraînai à nouveau loin des regards indiscrets. Je la fis s’asseoir sur l’herbe et à mon tour, je m'assis à ses côtés. Nous restâmes quelques minutes à regarder le paysage, le vent soufflait mais ce n'était pas désagréable. Sans m'en rendre compte je lui déclarai: “ Je vous aime “.

    Elle me regarda droit dans les yeux, se leva et partit sans dire un mot. Je la regardai s'éloigner et me rendis compte que les rôles s'étaient inversés. Ce n'était plus elle qui était à terre implorant ma pitié mais moi qui la priais de m'aimer. Je ne savais même pas pourquoi je l'aimais. Et je ne connaissais même pas son nom.


  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Octobre 2012 à 19:50

    Faut que je repose mes yeux. Je lirais plus tard, je vois pas grand chose là. =o=

    2
    Yuki Shirohane Profil de Yuki Shirohane
    Samedi 6 Octobre 2012 à 22:49
    :) Pas de problèmes. Je comprend très bien.
    J'ai rendez-vous chez le docteur des yeux dans une semaine et non je peux pas dire ophtalmo comme tout le monde Na ! ;)
    Je vois plus rien du tout alors je sais ce que ça fait x)
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